Autoconsommation d’énergie : mythe ou réalité ?

Christine Le Bihan - Graf -
Contributrice Membre du conseil d’ Etat et associée du cabinet De Pardieu Brocas Maffei
8 février 2018



 

La possibilité d’ auto-produire son électricité à partir de panneaux solaires connaît un fort engouement, traduisant le souci des enjeux climatiques et du développement durable. Toutefois, l’autoproduction d’énergie bouleverse en profondeur l’utilisation du réseau d’acheminement de l’électricité auquel sont aujourd’hui raccordés les consommateurs et dont les coûts sont mutualisés entre eux.

Si, en effet, certains sont autonomes pour leur production, pourquoi leur demander de payer pour être raccordés à un réseau qui autrefois acheminait l’électricité produite par d’autres jusqu’à chez eux ? Comment orienter l’autoconsommation pour ne pas favoriser l’individualisme de ceux qui pourraient ne plus vouloir contribuer aux charges communes ?

Essor de l’autoconsommation
En 2017, 14 000 sites d’autoconsommation seulement étaient recensés en France, soit 0,04 % des 37 millions de consommateurs d’électricité raccordés au réseau, mais près de la moitié des demandes de raccordement des sites de production déposées concernaient des sites en autoconsommation.
Cet essor récent de l’autoconsommation a été permis par l’adoption de deux ordonnances du 27 juillet et du 3 août 2016. Avant, les propriétaires de panneaux solaires ne pouvaient pas consommer leur électricité, mais devaient la revendre à EDF et l’injecter sur le réseau pour bénéficier d’un tarif d’achat incitatif, fixé par arrêté. Désormais, ceux qui consomment l’électricité qu’ils ont produite bénéficient d’un soutien public avec un tarif de rachat et une prime d’investissement pour les petites installations.
Toutefois, l’autoconsommation ne se réduit pas à un sujet de rentabilité économique, mais impose une réflexion sur l’intérêt collectif d’une telle pratique. En effet, elle parait bénéfique en développant le recours aux énergies vertes et en diminuant l’utilisation du réseau d’acheminement d’électricité, ce qui évite à son gestionnaire de lourds investissements.

L’autoconsommation totale est très rare
Cependant, ces bénéfices doivent être remis en perspective face au poids du soutien financier consenti aux énergies renouvelables, payé par la collectivité, mais aussi des effets négatifs qu’elle génère. L’autoconsommation en effet n’est pas l’autarcie énergétique : il est très exceptionnel en réalité que la production couvre toute la consommation. Une raison simple empêche cette indépendance : le soleil ne brille pas toujours, et surtout pas la nuit. De plus, il ne brille pas nécessairement quand on a besoin de consommer de l’électricité. Pire, les consommateurs ont besoin d’électricité plutôt le matin avant de partir au travail et le soir en revenant du travail, ce qui correspond précisément aux périodes pendant lesquelles la production des panneaux solaires est faible voire nulle. En l’absence de technologie de stockage performante de l’électricité, l’autoconsommation totale est donc très rare et les consommateurs doivent soutirer l’électricité du réseau pour couvrir au moins en partie leur consommation.
Cette situation conduit le gestionnaire du réseau à dimensionner le raccordement du site pour pouvoir l’approvisionner en totalité puisqu’il arrive que la production soit nulle faute de soleil, alors même que le site sollicite moins souvent le réseau puisqu’il produit une partie de la consommation. Les coûts fixes de dimensionnement du réseau sont donc constants, alors que la diminution de son utilisation liée à l’autoconsommation entraîne une baisse de revenu pour le gestionnaire du réseau, sauf à augmenter la contribution des autres consommateurs.
En outre, l’électricité auto-consommée est exonérée de contribution au service public de l’électricité (CSPE), ce qui augmente en conséquence, pour maintenir le niveau des recettes fiscales, la pression fiscale sur les autres consommateurs.

Réflexions sur le cadre contractuel et le cadre juridique
Face à ces enjeux, la réflexion des pouvoirs publics est encore en cours sur deux points.

Le cadre contractuel reste à simplifier. Les sites qui souhaitent vendre leur surplus d’électricité pendant les périodes où ils ne consomment pas toute leur production doivent conclure pas moins de trois contrats : un contrat de vente de l’électricité qu’ils produisent, un contrat d’accès au réseau pour pouvoir l’injecter et un contrat avec un fournisseur d’électricité, rendu obligatoire pour la majorité des sites qui ne sont pas en autoconsommation totale.

Le cadre juridique relatif au tarif d’accès au réseau de distribution, qui devrait inciter davantage les auto-consommateurs à consommer leur propre électricité pendant les périodes de forte consommation afin de réduire la charge sur le réseau public. Une délibération du régulateur de l’énergie est attendue dans les prochaines semaines sur ce sujet.

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